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Ma patrie, c’est le multilinguisme. Une réflexion sur l’utilisation du français dans l’étude et la pratique du droit (à l’institut Max Planck de droit international public de Heidelberg et au-delà)

Multilingualism as a Homeland. A Reflection on the Use of French in the Study and Practice of Law at the Max Planck Institute for International Law in Heidelberg and Beyond

Française

La langue est la clef de voûte de toute pensée et pratique juridique.[1] En effet, elle constitue l’outil de travail central de tout·e juriste, car elle lui permet de forger des idées, de présenter des arguments et, plus largement, de (re-) calibrer le cadre juridique. En d’autres termes, l’expertise d’un·e juriste se mesure aussi à son aisance linguistique. L’importance de cette aisance linguistique s’explique par l’ambiguïté des règles juridiques (internationales), comme nous le rappelle Guy de Lacharrière, ancien juge français à la CIJ, dans son ouvrage classique « La politique juridique extérieure » paru en 1983.

La langue – plus qu’un (simple) outil de travail

Il serait toutefois réducteur de penser la langue uniquement comme un outil. Elle est bien plus que cela. La langue imprègne profondément notre identité et offre un référentiel socio-culturel qui dépasse son caractère nominatif. Comme disait Albert Camus : « Oui, j’ai une patrie : la langue française. » Ainsi, la langue représente également un important vecteur d’identité et de culture, y compris dans le domaine juridique. Compte tenu de cette caractéristique identitaire et culturelle, le choix d’une langue plutôt que d’une autre a un impact significatif sur la pensée et la pratique juridiques.

Lorsque vous lisez le même arrêt en français et en anglais, par exemple, vous constaterez assez vite que les textes respectifs ne divergent pas seulement sur le plan linguistique, mais qu’ils véhiculent également une culture juridique différente, parfois même une conception différente du droit. Prenons par exemple l’arrêt Les Verts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) de 1986. Le texte français de l’arrêt fait référence à une « communauté de droit » (transformée plus tard en « Union de droit »), tandis que la version anglaise se réfère à une « Community [Union] based on the rule of law ». Nous savons tous que la notion d’Etat de droit, adaptée par la Cour à la construction européenne (c’est-à-dire à la communauté puis l’Union) et qui est chère aux systèmes de droit civil, d’une part, et le concept de rule of law émanant des systèmes juridiques de la common law, d’autre part, diffèrent à bien des égards. Penser que les langues (du droit) sont tout simplement interchangeables relève du mythe de l’équivalence linguistique, comme le démontre habilement Jacqueline Mowbray. En conséquence, l’utilisation d’une langue peut ouvrir à son utilisateur non seulement un champ lexical, mais aussi et surtout un champ conceptuel et intellectuel, qui peut même revêtir d’une dimension juridico-politique.

Pour des raisons historiques, le français occupe une place particulière dans le droit international et dans le droit de l’Union européenne (UE). Jusqu’à nos jours, cela se traduit par le fait que le français est l’une ou, dans certains cas, la seule langue de travail au sein d’importantes institutions juridiques internationales (en ordre alphabétique : CEDH, CIJ, CJUE, CPI, TPIR, TPIY). La dimension linguistique du procès judiciaire soulève, par ailleurs, aussi des questions de justice linguistique. Le français est également la langue de travail d’un bon nombre d’institutions internationales, y compris le Secrétariat des Nations unies, ainsi que d’enceintes académiques, telles que l’Institut de Droit International. Bien que certains puissent considérer ce privilège linguistique comme désuet, il n’en demeure pas moins qu’il perdure et qu’il imprègne le droit international et le droit de l’UE. En effet, la langue de travail est étroitement liée à la langue de raisonnement, ce qui signifie que le raisonnement se déroule dans un cadre juridique donné (le cas échéant francophone, voire très souvent français). Et sans faire l’éloge du droit français, il est indéniable qu’il a laissé, notamment à travers le Code napoléonien, des traces significatives dans nombre d’autres systèmes juridiques en Europe et au-delà. Ainsi, savoir parler, lire et écrire le français reste pour plusieurs raisons un atout pour tout « internationaliste », « européaniste » ou « (publiciste) comparatiste ».

Le déclin du (droit) français à l’institut de Heidelberg

Dans les années 1950 et 1960, le français était encore l’une des principales langues étrangères parlées à l’institut. Deux brochures en témoignent, présentant l’institut et son travail

Malgré cette importance (relative) de la langue française pour la pratique du droit international et européen, le français tout comme le droit francophone sont rares à l’institut Max Planck de droit international public (MPIL) à Heidelberg. Pour arriver à cette conclusion, j’ai plongé – avec l’aide de ma courageuse assistante (étudiante) – dans les très riches archives de l’institut qui couvrent les 100 dernières années. Nous avons notamment étudié les protocoles de la réunion du lundi (Referentenbesprechung), cherché dans les registres des revues et des bibliothèques les publications des chercheurs de l’institut parues en français ou sur le droit francophone, déchiffré l’écriture de Victor Bruns dans sa correspondance francophone avec ses pairs, décortiqué les agrafes des papiers d’avis juridiques, recueilli les témoignages des (anciens) chercheuses et chercheurs de l’institut, et tourné de nombreuses pages de divers rapports d’activité. Cette exploration des archives n’est pas exhaustive (et sans doute pas exempte d’erreurs statistiques), mais elle apporte des éclairages tout à fait intéressants.

Bon vieux temps ? Hermann Mosler et Suzanne Bastid, première femme professeure de droit en France, lors de la conférence « Judicial Settlement » à Heidelberg en 1972 [2]

Hormis quelques conférences liant des membres de l’institut à des collègues et institutions universitaires francophones, les points de contacts avec la communauté juridique francophone restent sporadiques, même si le cadre institutionnel y est, tel que le partenariat académique franco-allemand HeiParisMax, mis en place en 2015. Bien plus nombreux sont, en effet, les échanges et collaborations scientifiques avec des chercheurs et institutions hispanophones, italophones et bien sûr anglophones.

Il est également à noter que très peu de personnes francophones viennent poursuivre ou approfondir leurs recherches à l’institut, ce qui explique aussi la faible activité du Forum francophone avec en moyenne une à deux présentations par an : les statistiques officieuses de notre « international officer » Mme Stadler montrent qu’en moyenne annuelle, seul·e·s quatre scientifiques, dont la langue de travail est le français, fréquentent la salle de lecture de l’institut ou œuvrent au MPIL en tant que scientifique invité·e, ce qui est cinq fois moins que dans les années 1990s selon les Tätigkeitsberichte (rapports d’activité) de l’époque. Cela contraste aussi significativement avec plusieurs dizaines de chercheurs hispanophones et des centaines d’anglophones aujourd’hui. Il convient toutefois de noter que, par le passé, deux membres francophones ont fait partie du comité scientifique consultatif (Fachbeirat), à savoir Pierre Pescatore, juge à la CJCE, dans les années 1970, et Evelyne Lagrange, professeur à la Sorbonne, dans les années 2010. (Cette dernière est encore aujourd’hui un membre scientifique externe de l’institut.)

De même, la France et son ordre juridique tout comme les ordres juridiques francophones sont (devenus) plutôt rares en tant qu’objets d’études à l’institut de Heidelberg. En témoigne la faible fréquence des présentations sur l’actualité juridique francophone dans le cadre de la Montagsrunde (autrefois appelée Referentenbesprechung), qui se limitent actuellement à une ou deux interventions annuelles au maximum (voir table 1 ci-dessous). Cela signifie que l’actualité juridique dans des ordres juridiques francophones, y compris la France, la Belgique, une partie la Suisse ainsi que toute l’Afrique francophone (couvrant le Maghreb et une bonne partie de l’Afrique subsaharienne), ne trouvent pratiquement aucun écho dans l’institut – alors qu’il y aurait suffisamment de sujets à traiter. Mais les coups d’Etats qui s’enchainent dans la région du Sahel restent, par exemple, relativement inaperçus (ou en tout cas sans suivi académique) à l’institut.

Année Nombre de présentation concernant des questions de droit français
2023 2 (portant sur des affaires devant la CEDH contre la France)
2022 0
2021 1 (portant sur une affaire devant la CIJ impliquant la France)
2020 2
2019 2 (dont 1 portant sur une affaire devant la CJUE contre la France)
2018 2 (dont 1 portant sur une affaire devant la CIJ impliquant la France)
2017 1
2016 2
2015 1
2014 1 (portant sur une affaire devant la CEDH contre la France)
2013 2
2012 1
2011 0
2010 2
2009 1 (portant sur une affaire devant la CEDH contre la France)
2008 5 (dont 1 portant sur une affaire devant la CIJ contre la France et 1 portant sur une affaire devant la CEDH contre la France)
2007 6 (dont 1 portant sur une affaire devant la CEDH contre la France)
2006 7
2005 5 (dont 1 portant sur une affaire devant la CEDH contre la France et 1 portant sur une affaire devant la CJUE contre la France)
2004 2
2003 3 (dont 1 portant sur une affaire devant la CIJ contre la France)

Table 1. Présentations délivrées durant la Referentenbesprechung sur des sujets de droit français (au sens large)

Une exception à l’invisibilité du droit français et de l’actualité juridique francophones réside dans les contributions de collègues francophones à des ouvrages collectifs à vocation comparative, notamment dans le cadre du projet Ius Publicum Europeum. Cependant, ces publications sont rédigées en allemand ou en anglais. En revanche, les publications en langue française sont (désormais) également très rares. Si l’on consulte la liste des publications d’il y a vingt ou trente ans, la situation était encore différente. L’institut publia, par exemple, à des intervalles réguliers des recueils trilingues (allemand, français, anglais) dans la Schwarze Reihe jusqu’à la fin des années 1980. En effet, entre 2002 et 2021, la Schwarze Reihe ne comptait aucune publication en langue française. Aujourd’hui, en moyenne une publication et demie en langue française (tous types de publications – article, chapitre, blog – confondus) par an est publiée par l’un·e des 50 scientifiques de l’institut. Depuis 2000, un seul article en langue française a été publié dans la Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht (ZaöRV) sur une question de droit mauritanien. La situation est plus favorable pour la Revue d’histoire du droit international/ Journal of the History of International Law, dont les dernières contributions en français datent de 2020. Des articles en langue allemande (ou anglaise) traitant du droit français, voire francophone parus dans ces deux revues se comptent sur les doigts de deux mains. Il y a toutefois eu quelques recensions de monographies et d’ouvrages collectifs publiés en langue française. Tout bien considéré, le français est donc aujourd’hui loin d’être une langue de recherche, et encore moins une langue de travail (même tertiaire, après l’allemand et l’anglais) à l’institut heidelbergeois.

Analyse des pratiques et compétences linguistiques

Télégramme du président de la Cour d’arbitrage germano-polonaise Paul Lachenal à l’arbitre allemand Viktor Bruns. La correspondance et le travail de la cour se faisaient exclusivement en français

Cette réalité linguistique contraste sensiblement avec la situation antérieure. Dans l’entre-deux-guerres, par exemple, le directeur Viktor Bruns traitait exclusivement en français les cas liés au Tribunal arbitral mixte germano-polonais résultant des dispositions du Traité de paix de Versailles, dont il faisait partie. Puis, directeurs Hermann Mosler – en tant que juge à la CEDH (1959-80) et à la CIJ (1976-85) – et Jochen Frowein – en tant que membre de la Commission européenne des droits de l’Homme à Strasbourg (1973-93) – ont mené une grande partie de leurs activités (para-) judiciaires en français.

Il faut également mentionner que les chercheurs de l’institut ont habituellement rédigé des rapports et avis ayant un lien avec le droit français. En exceptant tous les avis sur la Communauté européenne du charbon de de l’acier (CECA) et sur la poursuite de l’intégration européenne, sur des sujets concernant le droit de la guerre, sur le Conseil de l’Europe qui avaient (également) un lien avec la France ainsi que tous les avis de droit comparatif, on peut trouver, de 1949 à 1998, 13 avis portant exclusivement sur des questions de droit français, dont les deux tiers ayant été rédigés dans les années 1950 (voir table 2 ci-dessous). Mais ces activités d’expertise semblent avoir pris fin depuis 1998, date à laquelle le dernier avis, rédigé par Jochen Frowein et Matthias Hartwig sur la situation juridique des biens culturels saisis ou expropriés par la France, fut produit.

Année Intitulé [avec traduction en français] Auteur·e·s
1998 Rechtslage der von Frankreich beschlagnahmten bzw. enteigneten Kulturgüter [Situation juridique des biens culturels saisis ou expropriés par la France] Jochen A. Frowein and Matthias Hartwig
1997 Vereinbarkeit des Gesetzes über die Rechtsstellung der Banque de France mit dem EG-Vertrag [Compatibilité de la loi sur le statut de la Banque de France avec le traité CE] Jochen A. Frowein, Peter Rädler, Georg Ress and Rüdiger Wolfrum
1981 Rücknahme und Widerruf von begünstigenden Verwaltungsakten in Frankreich, Großbritannien, Italien und den Niederlanden [Retrait et révocation d’actes administratifs favorables en France, au Royaume-Uni, en Italie et aux Pays-Bas] Karin Oellers-Frahm, Rudolf Dolzer, Rolf Kühner, Hans-Heinrich Lindemann and Werner Meng
1962 Entschädigungssache des Herrn Jaques Sztern, Paris/ Land Nordrhein-Westfalen [Affaire d’indemnisation de M. Jaques Sztern, Paris/ Land de Rhénanie du Nord-Westphalie] Fritz Münch
1957 Communauté de Navigation Française Rhénane – Land Rheinland-Pfalz betr. Staatshaftung [Communauté de Navigation Française Rhénane – Land de Rhénanie-Palatinat concernant la responsabilité de l’Etat] Günther Jaenicke
1956 Welches Erbrecht ist beim Tode eines aus rassischen Gründen emigrierten früheren deutschen Staatsangehörigen, der in Frankreich lebte und in Auschwitz ums Leben kam, von dem deutschen Nachlaßgericht für die Erteilung eines gegenständlich beschränkten Erbscheines anzuwenden? [En cas de décès d’un ancien ressortissant allemand émigré pour des raisons raciales, qui vivait en France et qui est mort à Auschwitz, quel droit successoral doit être appliqué par le tribunal successoral allemand pour la délivrance d’un certificat d’héritier limité à l’objet de la succession ?] Günther Jaenicke
1956 Der Rentenanspruch des unehelichen Kindes eines in französischen Diensten gefallenen deutschen Fremdenlegionärs gegen den französischen Staat [Le droit à pension de l’enfant illégitime d’un légionnaire allemand mort au service de la France contre l’Etat français] Günther Jaenicke
1955 Zulässigkeit des Elsässischen Rheinseitenkanals [Licéité du Canal latéral du Rhin en Alsace] Günther Jaenicke
1954 Die völkerrechtliche und staatsrechtliche Stellung des Saargebietes [Le statut de la Sarre en droit international et en droit public] Carl Bilfinger, Günther Jaenicke and Karl Doehring
1953 Die völkerrechtliche und staatsrechtliche Lage des Saargebietes [Le statut de la Sarre en droit international et en droit public] Günther Jaenicke and Karl Doehring
1952 Die Stellung des Saargebietes als assoziiertes Mitglied des Europarates [La position de la Sarre en tant que membre associé du Conseil de l’Europe] Günther Jaenicke
1951 Bürger und Wehrmacht in Frankreich [Les citoyens et la Wehrmacht en France] Hans Ballreich
1951 Die rechtliche Stellung der politischen Parteien in Frankreich [Le statut juridique des partis politiques en France] Günther Jaenicke

Table 2. Avis portant sur des questions de droit français rédigés par des chercheurs et chercheuses du MPIL

Comment expliquer alors cette faible intensité, voire ce manque d’intérêt pour la langue française à l’institut de Heidelberg ou même pour le droit francophone de nos jours ? La raison pour cette évolution est sans aucun doute multifactorielle. Une première explication, qui semble la plus logique, pourrait résider dans la baisse des compétences linguistiques parmi les chercheurs et chercheuses de l’institut. En fait, de nombreux membres de l’institut étaient francophones (et souvent aussi francophiles) dans l’entre-deux-guerres tout comme après la seconde guerre mondiale. Ceci est vrai pour les scientifiques, mais également pour leurs secrétaires polyglottes. Quelle est la situation aujourd’hui ? L’hypothèse d’une diminution des compétences linguistiques ne tient pas la route : si l’on fait l’inventaire linguistique du personnel scientifique de l’institut, on s’aperçoit que plus de la majorité des chercheurs employés par l’institut ont effectué une période de leurs études en France (ou dans la partie francophone de la Suisse ou du Canada) et ont parfois même obtenu un diplôme d’une université francophone. Ils sont donc tout à fait disposés à suivre les évolutions juridiques dans l’espace francophone. Le recul de l’utilisation du français à l’institut ne peut donc guère s’expliquer par une moindre compétence linguistique. Par ailleurs, les directeurs actuels – Anne Peters et Armin von Bogdandy – ont, eux aussi, une maitrise distinguée de la langue française dont ils font preuve régulièrement lors d’événements francophones.

L’hégémonie anglophone

La langue française perdure dans le système de classement de la bibliothèque, introduit en 1924. Les cotes des pays pour les revues spécialisées sont toujours françaises : les revues américaines se trouvent sous EU (États Unis)

Une autre hypothèse pourrait être que l’usage modéré du français et l’étude limitée du droit francophone à l’institut ne font que refléter le contexte politico-juridique plus large, et donc l’importance décroissante du français dans la pratique juridique internationale. Le français joue un rôle particulier en droit international parce que – pour simplifier – la France était une grande puissance (coloniale) lors de la création de l’ordre juridique international. Par conséquent, une grande partie de la diplomatie internationale se déroulait autrefois en français et les instruments juridiques internationaux étaient également rédigés en français. En témoigne, par ailleurs, les recueils de traités et de jurisprudence publiés, voire édités par des membres de l’institut. On peut citer ici le Nouveau recueil général de traités et autres actes relatifs aux rapports de droit international (Recueil Martens) (publié par l’institut de 1925 à 1969) ou encore le Fontes iuris gentium (publié par l’institut de 1931 à 1990), ce dernier étant passé entièrement en anglais en 1986 (sous le nom de World Court Digest).

Bien que la France conserve un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et qu’elle reste un pilier du projet européen, elle n’occupe plus depuis quelque temps le rang de grande puissance. Cela se répercute évidemment sur l’usage de la langue française, en recul, pour ne pas dire en chute libre, au profit de l’anglais, devenu depuis la seconde guerre mondiale la lingua franca des relations internationales. Pour l’anecdote, le traité d’Aix-la-Chapelle – signé par la France et l’Allemagne en 2019 – a d’abord été élaboré et négocié en anglais par les diplomates des deux pays, avant d’être traduit en français et en allemand. Le monde diplomatique évolue et, avec lui, les habitudes linguistiques.

Cela nous amène à un troisième facteur qui peut nous aider à comprendre le recul de la langue française à l’institut de Heidelberg : l’anglophonisation du monde de la recherche, y compris dans le domaine du droit. Pour les internationalistes, européanistes ou encore les publicistes comparatistes, l’anglais est aujourd’hui la première langue d’interaction et surtout la langue de publication dominante, voire écrasante. Il suffit de regarder la liste de revues académiques les plus citées en droit international qui sont toutes, sans exception, anglophones. Malgré le fait que nous puissions aujourd’hui, grâce aux outils numériques, consulter beaucoup plus facilement des sources en plusieurs langues et traduire les écrits de nos collègues, nous constatons depuis une vingtaine d’années que les universitaires se réfèrent principalement et de plus en plus à des sources anglophones. Cela vaut en droit international, comme l’avait déjà en 1988 déploré Allain Pellet dans une lettre aux éditeurs de l’American Journal of International Law (AJIL), ou en droit européen comme le montre l’analyse éclairante de Daniel Thym de 2016. Ce biais linguistique pour l’anglais est, par ailleurs, tout particulièrement prononcé chez les auteurs américains qui, dans les mots de Christian Tomuschat (reproduits ici en français), « restent délibérément dans la cage de la littérature anglophone sans jamais regarder au-delà de leurs propres sources ». Même si les outils tels que DeepL ou ChatGTP nous permettraient d’aborder plus facilement des sources en langue étrangère, leur utilisation peut compléter une expertise linguistique de base, mais ne la remplace pas. En outre, les outils numériques favorisent souvent l’anglais en raison des algorithmes qui les alimentent – mais c’est encore un autre débat.

Le français a donc été remplacé non seulement comme langue de la diplomatie internationale et donc de la pratique du droit international, mais aussi comme langue de la recherche en droit international (et européen). Un changement particulièrement radical et significatif à cet égard fut l’abolition du français comme langue de publication du European Journal of International Law en 1998, lorsque la revue est passée sous la gestion de la maison d’édition britannique Oxford University Press, seulement dix ans après son lancement comme journal bilingue (français/ anglais) par des académiques polyglottes.

En tout état de cause, la situation à l’institut Max Planck heidelbergeois n’est donc pas une exception, mais s’inscrit dans une certaine évolution linguistique. Autrement dit, nous pouvons constater que la mondialisation et la diversification du monde de la recherche affaiblit le français. Suivant cette logique, la question est plutôt de savoir si les derniers bastions de la langue françaises – notamment l’Institut de Droit International – vont pouvoir imposer leur politique linguistique francophone dans la durée, surtout si l’on tient compte du fait que certaines discussions s’y tiennent déjà en langue anglaise, comme me l’a confié Anne Peters, membre de cette institution depuis 2021.

Facteurs aggravants : obstacles académiques et politiques

Chercheurs allemands et français côte à côte. Karl-Josef Partsch (à gauche) et Jean-Maurice Verdier (à droite) en 1978 lors du colloque “Koalitionsfreiheit des Arbeitnehmers”[3]

Les caractéristiques particulières du milieu universitaire français du droit (international), marqué par un formalisme très prononcé et une méthode bien distincte (mentionnons ici seulement le plan en deux parties/ deux sous-parties), ne rendent pas nécessairement la recherche juridique émanent de la tradition française facilement accessible. Pourtant, comme l’a démontré avec grande finesse analytique Andrea Hamann, la tradition française du droit international (et, dans une certaine mesure aussi du droit européen) fait preuve d’un pragmatisme. Ce pragmatisme inspirant, voire rafraîchissant pour certains, pourrait s’avérer bénéfique à notre époque, marquée par un sens croissant de la realpolitik et la nécessite de trouver des solutions aux nombreux problèmes qui se posent.

Enfin, on peut y ajouter que le déclin du français à l’institut de Heidelberg suit une tendance politique plus large. Les relations franco-allemandes traversent une période difficile (prolongée). Comme l’ont relaté plusieurs médias français, le vice-chancelier Robert Habeck a déclaré en Septembre 2023 lors de la conférence annuelle des ambassadeurs allemands : « Nous [les Allemands et les Français] ne sommes d’accord sur rien. » Sauf, semble-t-il, en ce qui concerne une certaine distance linguistique. Le gouvernement allemand a décidé de fermer plusieurs instituts Goethe en France, malgré les dispositions du traité d’Aix-la-Chapelle de 2019, dans lesquelles les deux pays s’engagent à entretenir et renforcer l’apprentissage de la langue de l’autre. Malgré le nombre impressionnant d’étudiants ayant suivis un cursus académique binational proposé par l’Université franco-allemande (UFA) – pour la seule année 2022, plus de 1400 étudiants ont suivi les cursus franco-allemands de l’UFA dans le domaine du droit – , grâce à des programmes d’échanges comme Erasmus ou des arrangements de cotutelle, il semble y avoir (à haut niveau politique) un repli (linguistique) qui n’est pas sans conséquence pour le monde de la recherche.

Défense du français dans un contexte (académique) multilingue

Pour conclure, il ne s’agit nullement dans cette contribution de faire preuve de nostalgie, c’est-à-dire de défendre un retour à l’époque où le français était la langue de la diplomatie internationale et du droit international, ni de militer pour un duopole franco-anglais dans les relations internationales démodé. Par ces quelques lignes, je souhaite attirer l’attention des lecteurs sur la question de la diversité linguistique dans le travail universitaire, qui permet également une certaine diversité intellectuelle et conceptuelle. La prédominance de l’anglais dans les études et la pratique du droit international et européen a certes des avantages, car elle facilite (a priori) les échanges et l’accès au savoir. Mais elle a aussi des inconvénients : elle donne l’illusion d’un monde beaucoup plus unifié et inclusif qu’il ne l’est en réalité.

La dominance de l’anglais comme langue scientifique vient, en effet, avec d’importants biais analytiques, conceptuels et autres, comme l’explique Odile Ammann si aisément (dans un texte rédigé en anglais). Si nous voulons éviter un appauvrissement du débat juridique (académique) et, en revanche, maintenir une certaine richesse dans la pensée et la pratique juridiques, il est important de cultiver également une certaine diversité linguistique – sur un plan individuel et institutionnel. Compte tenu de son importance historique et actuelle – le français est la cinquième langue la plus parlée au monde après l’anglais, le mandarin, l’hindi et l’espagnol – il semble opportun que le français fasse partie de cette diversité. Pour moi en tout cas, ma patrie est le multilinguisme et le français en est incontestablement un élément important.

***

A comprehensive version of this article will be published in RuZ – Recht und Zugang

[1] L’auteure remercie chaleureusement Rocío Bargon Sánchez et surtout Chiara Miskowiec pour l’excellent soutien de recherche qu’elles lui ont apporté lors de la rédaction de cet article. Un grand merci également à Anne-Marie Thévenot-Werner pour ses commentaires très constructifs sur une version antérieure de ce texte.

[2] Photo : MPIL.

[3] Photo : MPIL.

Suggested Citation:

Carolyn Moser, Ma patrie, c’est le multilinguisme. Une réflexion sur l’utilisation du français dans l’étude et la pratique du droit (à l’institut Max Planck de droit international public de Heidelberg et au-delà), MPIL100.de, DOI: 10.17176/20240405-094941-0

Lizenz: CC BY-NC-SA 4.0 DEED
English

Language is the cornerstone of all legal thought and practice.[1] In fact, it is the most important tool of lawyers, enabling them to develop ideas, present arguments and, more generally, to (re-) shape the legal framework. In other words, a lawyer’s competence is also measured by his or her command of the language. The importance of this linguistic proficiency lies in the ambiguity of (international) legal rules, as Guy de Lacharrière, former French judge at the ICJ, reminds us in his classic work “La politique juridique extérieure”, published in 1983.

Language – (far) more than another tool in the box

However, it would be simplistic to think of language as a mere tool. It is much more than that. Language impregnates our identity and provides a socio-cultural frame of reference that goes beyond its nominative nature. As Albert Camus said: “I have a homeland: the French language.”[2] Language is therefore an important vector of identity and culture, including in the legal context. Given this characteristic of identity and culture, the choice of one language over another has a significant impact on legal thought and practice.

When reading the same judgment in French and English, for instance, one quickly realises that the respective texts not only diverge linguistically, but also convey a different legal culture, sometimes even a different conception of law. Consider, for example, the Les Verts judgment of the Court of Justice of the European Communities (ECJ) of 1986. The French version of the decision refers to a “communauté de droit” (lit. legal community) (later transformed into a “Union de droit” (lit. legal union)), while the English version refers to a “Community [Union] based on the rule of law. We all know that the Etat de droit concept (adapted by the Court to suit the European polity, i.e. the community and then the Union), which is dear to civil law systems, on the one hand, and the concept of the rule of law used by common law systems, on the other hand, differ in many respects. To think that languages (of law) are simply interchangeable means to fall back on the myth of linguistic equivalence, as Jacqueline Mowbray skilfully demonstrates. Consequently, the use of a particular language can open up to its user not only a lexical field, but also and above all a conceptual and intellectual dimension, which may even have a legal-political dimension.

For historical reasons, French enjoys a privileged status in international and European Union (EU) law. Today, this is reflected in the use of the French language as one or, in some cases, the only working language in major international judicial institutions (in alphabetical order: CJEU, ECHR, ICC, ICJ, ICTR, ICTY). The linguistic dimension of legal proceedings also raises questions of linguistic justice. What is more, French is the working language of many international institutions, including the United Nations Secretariat, as well as academic entities such as the Institut de droit international (Institute of International Law). While some may consider this linguistic privilege to be obsolete, the fact remains that it persists and permeates international and EU law. Indeed, the working language is closely linked to the language of reasoning, which means that reasoning takes place within a given legal framework (in this case, French). And without any aspiration to glorify French law, it is undeniable that it has left significant traces in many other legal systems in Europe and beyond, notably through the Napoleonic Code. It is therefore an asset for any “internationalist”, “Europeanist” or “comparatist” to be able to speak, read and write French for many reasons.

The decline of French (law) at the Heidelberg Institute

In the 1950s and 1960s, French was still one of the main foreign languages spoken at the institute. Two brochures presenting the institute and its work bear witness to this.

Despite this (relative) importance of the French language for the practice of international and European law, French and the study of francophone legal systems are scarce at the Max Planck Institute for International Law (MPIL) in Heidelberg.

To arrive at this conclusion, I plunged – with the support of my brave (student) assistant – into the Institute’s very extensive archives covering the last 100 years. We studied inter alia the protocols of the Monday Meeting (Referentenbesprechung), searched journal and library registers for publications by Institute researchers in French or on French-speaking law, deciphered the handwriting of Victor Bruns in his French-language correspondence with his peers, unpacked staples of legal opinions, collected testimonials from (former) Institute researchers, and turned over numerous pages of various activity reports. This exploration of the archives is by no means exhaustive (and doubtless not free from statistical error), but it does provide some interesting insights.

Good old days? Hermann Mosler and Suzanne Bastid, the first female law professor in France, at the “Judicial Settlement” conference in Heidelberg in 1972.[3]

Apart from a few conferences linking members of the Institute to francophone scholars, the points of contact with the francophone legal community remain sporadic, even if the institutional framework is there, such as the Franco-German academic partnership HeiParisMax, set up in 2015. Much more frequent are, indeed, scholarly exchanges and collaborations with Spanish-, Italian- and of course English-speaking researchers and institutions.

It should also be noted that very few French-speaking scholars come to pursue or deepen their research at the Institute, which also explains the low activity of the Francophone Forum with an average of one or two presentations per year: the unofficial statistics of the Institute’s international officer Mrs Stadler show that, on an annual average, only four researchers, whose working language is French, use the reading room of the Institute or work at the MPIL as guests, which is five times fewer than in the 1990s, according to the activity reports (Tätigkeitsberichte) of that time. This also contrasts significantly with the dozens of Spanish-speaking and hundreds of English-speaking scholars pursuing their research at the Institute these days. It should be borne in mind, however, that in the past, two French-speaking members have been part of the Scientific Advisory Board (Fachbeirat): Pierre Pescatore, Judge at the CJEC, in the 1970s, and Evelyne Lagrange, Professor at the Sorbonne university, in the 2010s. (The latter is still an external scientific member of the Institute today.)

Likewise, France and its legal order, as well as francophone legal systems, have (become) rather rare as objects of study at the Heidelberg Institute. This is evidenced by the low frequency of presentations on French legal news within the framework of the Monday Meeting (Montagsrunde, formerly called Referentenbesprechung), which are currently limited to a maximum of one or two annual presentations (see table 1 below). This means that the legal developments in francophone legal systems, including France, Belgium, parts of Switzerland and Canada as well as importantly French-speaking Africa (covering the Maghreb and big parts of sub-Saharan Africa), have virtually no resonance in the Institute, even though there are enough topics to cover. Hence, the successive coups d’Etat in the Sahel region, for example, go largely unnoticed (or at least without academic follow-up) at the Institute.

Year Number of presentations on matters of French law
2023 2 (cases before the ECHR against France)
2022 0
2021 1 (case before the ICJ involving France)
2020 2
2019 2 (including 1 case before the CJEU against France)
2018 2 (including 1 case before the ICJ involving France)
2017 1
2016 2
2015 1
2014 1 (case before the CJEU against France)
2013 2
2012 1
2011 0
2010 2
2009 1 (case before the CJEU against France)
2008 5 (including 1 case before the ICJ against France and 1 case before the ECHR against France)
2007 6 (including 1 case before the CJEU against France)
2006 7
2005 5 (including 1 case before the ECHR against France and 1 case before the CJEU against France)
2004 2
2003 3 (including 1 case before the CJEU against France)

Table 1. Presentations delivered during the Monday Meeting on subjects of French law (in the broadest sense)

An exception to the invisibility of French and francophone law and current legal events is the contribution of French-speaking colleagues to comparative collective works, particularly in the context of the Ius Publicum Europeum project. However, these publications are written in either English or German. On the other hand, it has become very rare for MPIL researchers to publish in French (nowadays). The situation was different twenty or thirty years ago. Until the late 1980s, for example, the Institute regularly published trilingual collections (German, French, English) in the Schwarze Reihe. In fact, between 2002 and 2021, the Schwarze Reihe had no publications in French. Today, on average, 1.5 publications (all types of output – article, chapter, blog – taken together) is published in French per year by one of the Institute’s roughly 50 researchers. Since 2000, only one French-language article has been published in the Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht (ZaöRV) on a question of Mauritanian law. The picture is brighter for the Journal of the History of International Law/ Revue d’histoire du droit international, where the latest contributions in French date back to 2020. Articles in German (or English) on French or francophone law published in these two journals can be counted on the fingers of two (small) hands. There have been a few reviews of monographs and collective works published in French, though. All things considered, French is far from being a research language at the Institute, let alone a working language (even at the tertiary level, after German and English).

Analysis of language practices and skills

Telegram from Paul Lachenal, President of the German-Polish Court of Arbitration, to German arbitrator Viktor Bruns. The court’s correspondence and work were conducted exclusively in French.

This linguistic reality contrasts sharply with the situation in the past. In the inter-war period, for example, Director Viktor Bruns dealt exclusively in French with cases related to the German-Polish Mixed Arbitral Tribunal, which was established under the provisions of the Versailles Peace Treaty and of which he was a member. What is more, Directors Hermann Mosler – as a judge at the ECHR (1959-80) and the ICJ (1976-85) – and Jochen Frowein – as a member of the European Commission of Human Rights in Strasbourg (1973-93) – carried out a large part of their (para-) judicial work in French.

It should also be noted that the Institute’s researchers have generally written reports and opinions on French law. Leaving aside all the opinions on the European Coal and Steel Community (ECSC) and on the pursuit of European integration, on matters concerning the law of war, on the Council of Europe which (also) had a link with France, and all opinions of comparative law, there are 13 opinions from 1949 to 1998 which deal exclusively with questions of French law, two thirds of which were drafted in the 1950s (see table 2 below). However, those expert reports seem to have been discontinued since 1998, when Jochen Frowein and Matthias Hartwig produced their report on the legal situation of the cultural goods seized or expropriated by France.

Year Title [with English translation] Authors
1998 Rechtslage der von Frankreich beschlagnahmten bzw. enteigneten Kulturgüter [Legal situation of cultural goods seized or expropriated by France] Jochen A. Frowein and Matthias Hartwig
1997 Vereinbarkeit des Gesetzes über die Rechtsstellung der Banque de France mit dem EG-Vertrag [Compatibility of the Law on the Statute of the Banque de France with the EC Treaty] Jochen A. Frowein, Peter Rädler, Georg Ress and Rüdiger Wolfrum
1981 Rücknahme und Widerruf von begünstigenden Verwaltungsakten in Frankreich, Großbritannien, Italien und den Niederlanden [Withdrawal and revocation of favourable administrative acts in France, Great Britain, Italy and the Netherlands] Karin Oellers-Frahm, Rudolf Dolzer, Rolf Kühner, Hans-Heinrich Lindemann and Werner Meng
1962 Entschädigungssache des Herrn Jaques Sztern, Paris / Land Nordrhein-Westfalen [Claim for compensation from Mr Jaques Sztern, Paris / Land of North Rhine-Westphalia] Fritz Münch
1957 Communauté de Navigation Française Rhénane – Land Rheinland-Pfalz betr. Staatshaftung [Communauté de Navigation Française Rhénane Land of Rhineland-Palatinate with regard to State liability]. Günther Jaenicke
1956 Welches Erbrecht ist beim Tode eines aus rassischen Gründen emigrierten früheren deutschen Staatsangehörigen, der in Frankreich lebte und in Auschwitz ums Leben kam, von dem deutschen Nachlaßgericht für die Erteilung eines gegenständlich beschränkten Erbscheines anzuwenden? [What law of succession applies to the death of a former German national who emigrated for racial reasons, who lived in France and died in Auschwitz, for the purpose of issuing a certificate of inheritance?] Günther Jaenicke
1956 Der Rentenanspruch des unehelichen Kindes eines in französischen Diensten gefallenen deutschen Fremdenlegionärs gegen den französischen Staat [The pension entitlement of the illegitimate child of a German legionnaire who died in the service of France against the French state] Günther Jaenicke
1955 Zulässigkeit des Elsässischen Rheinseitenkanals [Lawfulness of the Lateral Rhine Canal in Alsace] Günther Jaenicke
1954 Die völkerrechtliche und staatsrechtliche Stellung des Saargebietes [Saarland’s status in international and public law] Carl Bilfinger, Günther Jaenicke and Karl Doehring
1953 Die völkerrechtliche und staatsrechtliche Stellung des Saargebietes [Saarland’s status in international and public law] Günther Jaenicke and Karl Doehring
1952 Die Stellung des Saargebietes als assoziiertes Mitglied des Europarates [Saarland’s position as an associate member of the Council of Europe] Günther Jaenicke
1951 Bürger und Wehrmacht in Frankreich [Citizens and the Wehrmacht in France] Hans Ballreich
1951 Die rechtliche Stellung der politischen Parteien in Frankreich [The legal status of political parties in France] Günther Jaenicke

Table 2. Opinions on questions of French law drafted by researchers of the institute

How then can we explain this lack of interest in the French language at the Heidelberg Institute, or even in francophone law today? The reason for this development is undoubtedly multifactorial. The most logical explanation would be the decline in the language skills of the Institute’s researchers. As a matter of fact, many staff members of the Institute were francophone (or even francophile) in its founding period and after the Second World War. This applied to the researchers, but also to their multilingual secretaries. So, where do we stand today? The hypothesis of a decline in language skills does not hold water: a linguistic inventory of the Institute’s scientific staff shows that the vast majority of researchers employed by the Institute have completed a period of their studies in France (or the francophone part of Switzerland or Canada), and sometimes even hold a degree from a French-speaking university. They are therefore perfectly qualified to follow legal developments in the French-speaking world. The decline in the use of French at the Institute can thus hardly be explained by a lack of language skills. Moreover, the current directors – Anne Peters and Armin von Bogdandy – also have an excellent command of French, which they regularly use at French-speaking events.

The Anglophone hegemony

The French language is still used in the library’s classification system, introduced in 1924. The country codes for journals are still French: American journals are listed under EU (États Unis).

Another hypothesis might be that the moderate use of French and the limited study of francophone law at the Institute simply reflect the broader political and legal context and, therefore, the declining importance of French in international legal practice. French plays a prominent role in international law because, to put it simply, France was a major (colonial) power at the time when the current international legal system took shape. As a result, until the 20th century, international diplomacy used to be conducted in French, and many international legal instruments were drafted in French. This is evidenced by the collections of treaties and jurisprudence published or edited by staff members of the Institute. Among these are the Nouveau recueil général de traités et autres actes relatifs aux rapports de droit international (Recueil Martens) (published by the Institute between 1925 and 1969) and the Fontes iuris gentium (published by the Institute between 1931 and 1990), which switched entirely into English in 1986 (under the name World Court Digest).

Although France retains a permanent seat on the United Nations Security Council and remains a pillar of the European project, it has for quite some time now ceased to be a great power. This has had an undeniable impact on the use of the French language, which is in decline, not to say collapse, in favour of English, which has become the lingua franca of international relations since the Second World War. For instance, the Treaty of Aachen – signed by France and Germany in 2019 – was first written and negotiated in English by diplomats of both countries, and then translated into French and German. The world of diplomacy is changing, and so are language habits and preferences.

This brings us to a third factor that may help to explain the decline of French at the MPIL in Heidelberg: the Anglophonisation of the research world, including in the field of law. For internationalists, Europeanists or comparative public/ constitutional lawyers, English is now the first language of interaction and, above all, the prevailing, if not predominant, language of publication. Just take a look at the list of the most cited academic journals in the field of international law, all of which are published in English. Despite the fact that, thanks to digital tools, we can now much more easily consult sources in several languages and translate the writings of our colleagues, we have noticed over the last twenty years that academics are mainly and increasingly referring to English-language sources. This applies to international law, as Allain Pellet had already deplored in 1988 in a letter to the editors of the American Journal of International Law (AJIL), as well as to European law as Daniel Thym’s insightful analysis of 2016 shows. This linguistic bias towards English is, moreover, particularly pronounced among American authors who, in the words of Christian Tomuschat, “remain deliberately within the cage of the Anglophone literature without ever looking beyond their own home-grown source.” Although tools such as DeepL or ChatGTP allow us to approach foreign-language sources more easily, their use can complement basic linguistic expertise, but it cannot replace it. Moreover, digital tools often favour English because of the algorithms they employ – but that’s yet another debate.

French has thus been replaced not only as the language of international diplomacy and therefore of the practice of international law, but also as a research language in international (and European) law. A particularly radical and significant change in this respect was the disappearance of French as the language of publication of the European Journal of International Law in 1998, when the journal came under the management of the British publisher Oxford University Press, only ten years after its launch as a bilingual (French/ English) journal by polyglot academics.

In any case, the situation at the Heidelberg Institute is not an exception, but part of a general linguistic trend. In other words, we are witnessing the decline of French as a result of the globalisation and diversification of the research world. Following this logic, the question is whether the last bastions of French – in particular the Institut de droit international – will be able to impose its francophone language policy over time, especially given that some discussions at said Institut are already held in English, as Anne Peters, a member of this institution since 2021, told me.

Aggravating factors: academic and political barriers

German and French researchers side by side. Karl-Josef Partsch (left) and Jean-Maurice Verdier (right) in 1978 at the colloquium “Koalitionsfreiheit des Arbeitnehmers”[4]

The peculiarities of the French academic landscape in (international) law, characterised by a pronounced formalism and very specific methods (just to mention the “deux parties / deux sous-parties” outline), do not necessarily make legal research emanating from the French tradition easily accessible. Yet, as Andrea Hamann has shown with great analytical finesse, the French tradition of international law (and to some extent European law) is pragmatic. This pragmatism is inspiring, even refreshing for some, and could prove advantageous in our time, marked by a growing sense of realpolitik and the need to find solutions to the many emerging problems.

Finally, we can also observe that the decline of French at the Heidelberg Institute follows a broader political trend. The Franco-German relationship is going through a (prolonged) difficult period. As reported by several French media, Vice-Chancellor Robert Habeck remarked in September 2023 at the annual conference of German ambassadors: “We [the Germans and the French] do not agree on anything.” Except, it seems, on a certain linguistic distance. The German government has decided to close several Goethe Institutes in France, despite the provisions of the 2019 Treaty of Aachen, which stipulates that the two countries are committed to maintaining and strengthening the learning of each other’s languages. Despite the impressive number of students who have completed a binational academic programme offered by the French-German University (UFA) – in 2022 alone, more than 1,400 students followed Franco-German law courses at the UFA – thanks to exchange programmes such as Erasmus or cotutelle agreements, there seems to be a (linguistic) regression (at a high political level), which is not without consequences for the research world.

Advocating French in a multilingual (academic) context

In conclusion, this contribution is by no means intended to be nostalgic, i.e. to urge a return to the days when French was the language of international diplomacy and international law, or to advocate an outdated Franco-English duopoly in international relations. With these few lines, I would like to draw the readers’ attention to the need for linguistic diversity in academic work, which also allows for a certain intellectual and conceptual diversity. The predominance of English in the research and practice of international and European law certainly has its advantages, making (a priori) exchange and access to knowledge easier. But it also has its downsides: it gives the illusion of a world that is much more unified and inclusive than it actually is.

Indeed, as Odile Ammann explains so delicately, the dominance of English as the language of academia is accompanied by significant analytical, conceptual and other biases. If we want to avoid an impoverishment of the (academic) legal debate and, on the other hand, maintain a certain richness in legal thought and practice, it is important to cultivate linguistic diversity – at both the individual and the institutional level. It seems appropriate that French should be part of this diversity, given its historical and contemporary importance – it is the fifth most spoken language in the world after English, Mandarin, Hindi and Spanish. For me in any case, my homeland is multilingualism, and French is undoubtedly an important part of that.

***

A comprehensive version of this article will be published in RuZ – Recht und Zugang

[1] The author would like to warmly thank Rocío Bargon Sánchez and especially Chiara Miskowiec for their excellent research assistance during the drafting of this article. The original French text was translated into English with the help of Rocío Bargon Sánchez. Many thanks also to Anne-Marie Thévenot-Werner for her highly constructive comments on an earlier version of this text.

[2] In French, Camus’ statement reads as follows: “J’ai une partie: la langue française.”

[3] Photo: MPIL.

[4] Photo: MPIL.

Suggested Citation:

Carolyn Moser, Multilingualism as a Homeland. A Reflection on the Use of French in the Study and Practice of Law at the Max Planck Institute for International Law in Heidelberg and Beyond, MPIL100.de, DOI: 10.17176/20240405-095049-0

Lizenz: CC BY-NC-SA 4.0 DEED

 

Als „deutsche Ausländerin“ am MPIL. Constance Grewe über ein ungewöhnliches Jahr in Heidelberg (2010-2011)

« Allemande étrangère » à l’Institut Max-Planck : Récit d’une année hors du commun à Heidelberg (2010-2011) de Constance Grewe

Das Institutsgebäude um 2010 (Foto: MPIL)

Deutsch

Im Gegensatz zu vielen Gästen kam ich nicht als junge Forscherin, sondern am Ende meiner Universitätslaufbahn in Frankreich (Chambéry, Caen, Straßburg) nach Heidelberg zum Max-Planck-Institut für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht (MPIL). 2007 war mir der Forschungspreis der Humboldt Stiftung verliehen worden, mit dem ein längerer Forschungsaufenthalt in Deutschland verbunden war. Das kam mir sehr gelegen, denn für meine verfassungsvergleichenden Forschungen waren deutsche Bibliotheken besonders gut ausgestattet.  So war ich zunächst einen Monat in Bielefeld und habe mich dann 2010 bei der Universität Straßburg, wo ich Professorin für öffentliches Recht war, für eine sogenannte „Forschungsdelegation“ beworben. Eine Forschungsdelegation bietet die Möglichkeit, seine Forschung für eine begrenzte Zeit in einer anderen Institution zu betreiben und während dieser Periode (hier ein Jahr) von den Lehrverpflichtungen freigestellt zu werden. Ich hatte meinen Antrag damit begründet, dass ich den von dem Humboldt Preis vorgesehenen Forschungsaufenthalt in Deutschland noch nicht vollendet hatte und dass der für meine Forschungsprojekte geeignetste Platz das MPIL zu sein schien. Diese Delegation konkretisierte sich dann in einem Vertrag zwischen der Universität Straßburg und dem Institut und so kam ich im September 2010 nach Heidelberg, wo ich bis zum Ende des Jahres 2011 blieb.

Von Frankreich zurück nach Deutschland. Erste Schritte in der alten Heimat

Der Eingangsbereich um 2010 (Foto: MPIL)

Es war eine etwas merkwürdige Situation, denn ich kam als Ausländerin. Nachdem ich meine ganze Karriere in Frankreich absolviert und auch die französische Staatsangehörigkeit erhalten hatte, kehrte ich nun für eine gewisse Zeit in mein Heimatland zurück, denn meine Kindheit habe ich bis zum Beginn meines juristischen Studiums in Deutschland verbracht und auch meine Eltern waren deutsch. Diese besondere Konstellation mag Ursache dafür sein, dass das Buddy-System, das damals noch neu im Institut war und ausländischen Gästen die ersten praktischen Schritte erleichtern sollte, für mich wenig funktionierte. Ich musste also allein die diversen praktischen Probleme lösen, so zum Beispiel ein Konto öffnen, was normalerweise ein in Deutschland bezogenes Gehalt erforderte, und eine Wohnung finden, was ohne deutsches Konto unmöglich erschien. Zum Glück habe ich andere in Heidelberg lebende Ausländer kennengelernt, die mir dabei weiterhalfen. Auch das hat die Eigentümlichkeit der Situation als Ausländerin im Heimatland unterstrichen.

Im Institut wurde ich mit einem schönen Arbeitszimmer mit Blick auf die Berge verwöhnt. Es lag direkt neben demjenigen von Herrn Frowein, mit dem ich auf diese Weise das Vergnügen mancher Begegnungen hatte. Auch von der Bibliothek fühlte ich mich verwöhnt: Die Ausleihe war höchst effizient, vor allem aber habe ich den freundlichen, ja herzlichen Umgang mit Sandra Berg und Ali Zakouri geschätzt. Insgesamt waren die Beziehungen mit den Mitarbeiterinnen und Mitarbeitern des Instituts sehr angenehm. Die Montagsrunde, zu der Zeit noch Referentenbesprechung genannt, besuchte ich mit Interesse und Neugier, sowohl was die Themen anlangte als auch die Person der Vortragenden. So habe ich spannende Diskussionen mit anderen Gästen aus vielen Ländern und Mitarbeitern des Instituts führen können, die sich teilweise beim Mittwochstee der Gäste oder im benachbarten Restaurant „Olive“ fortsetzten. Zu dieser Zeit waren kaum französische Gäste am MPIL und ich suchte auch vor allem den Kontakt zu mittel- und osteuropäischen Gästen oder auf diesem Gebiet spezialisierten Mitarbeitern, da ich vor allem meine Kenntnisse im Verfassungsrecht von Mittel-, Ost- und Südosteuropa erweitern und vertiefen wollte. Ein wichtiger Anlass dafür war mein Richteramt am Verfassungsgericht in Bosnien‑Herzegowina, in dem bis heute gemäß dem Abkommen von Dayton drei ausländische Richter sitzen.

Einen tieferen Einblick in das Leben des Instituts gewann ich durch meine Mitgliedschaft im Fachbeirat, in den ich 2003 berufen wurde. Als besonders anregend empfand ich dabei vor allem die Berichte der verschiedenen Forschungsgruppen und Stipendiaten. Sie vermittelten ein anschauliches Bild der Vielfalt und Intensität der Forschung am Institut. Was die Evaluierung der diversen Aktivitäten anlangte, so hatte ich auf diesem Gebiet bereits eine gewisse Erfahrung, da ich schon früher an französischen Universitäten und in Österreich an Evaluierungen beteiligt gewesen war und solche auch selbst als Direktorin einer Forschungsgruppe in Straßburg erlebt hatte. Dennoch erschien mir dieser Vorgang am Institut besonders kompliziert wegen der so zahlreichen und sehr unterschiedlichen Akteure. Es ist also nicht verwunderlich, dass die Evaluierung jeweils intensive Diskussionen und Besprechungen der Fachbeiratsmitglieder auslöste.

Ein undurchführbares Forschungsprojekt und seine positive Wendung

Die Rotunde im 1. Stock um 2010 (Foto: MPIL)

Für meine eigene Forschung war die Zeit in Heidelberg natürlich ebenfalls wichtig. Im Zusammenhang mit meiner Funktion als internationale Richterin am Verfassungsgericht von Bosnien‑Herzegowina kam ich zunächst ins Gespräch mit Michael Riegner, der sich im Kosovo aufgehalten und mit dem dortigen Verfassungsgericht Kontakt aufgenommen hatte. Daraus hat sich ein gemeinsames Projekt ergeben, nämlich ein Vergleich beider Länder unter dem Aspekt der Internationalisierung von Verfassungen in gespaltenen Gesellschaften und der Frage, inwieweit die durch die Internationalisierung bedingten Abweichungen vom klassischen nationalen Konstitutionalismus einer Demokratisierung entgegenstehen. Unser Aufenthalt im Institut hat uns die Chance gegeben, diesen Artikel im Max Planck Yearbook of United Nations Law veröffentlichen zu können.

Sodann hat mich Anne Peters gebeten, ein Referat im Rahmen des Gesprächskreises Europäisches Verfassungsrecht vor der Staatsrechtslehrertagung 2011 zu halten. Es ging um den Beitritt der EU zur EMRK mit der Frage, inwieweit dies eine wirksame Durchsetzung einer gesamteuropäischen Grundrechteverfassung bedeuten könne. Zur Vorbereitung des Referats hat mir Armin von Bogdandy freundlicherweise angeboten, in seinem Forschungsseminar darüber zu referieren und zu diskutieren. Der Beitrag wurde in der Zeitschrift Europarecht publiziert.

Es wurde mir jedoch zunehmend klar, dass ich mein eigentliches Forschungsprojekt – eine neue Auflage des Buchs über vergleichendes Verfassungsrecht in Europa – nicht verwirklichen könne. In der Zwischenzeit – die erste Auflage stammte aus dem Jahr 1995 – waren nämlich einerseits zehn hauptsächlich mittel- und osteuropäische Länder in die EU aufgenommen worden, was die Zahl der zu vergleichenden Rechtsordnungen erheblich erhöhte. Andererseits hatten sich die rechtlichen Beziehungen zwischen der EU und den Mitgliedstaaten im Wege der Vertragsänderungen und der wachsenden Rechtsprechung so geändert, dass es unmöglich oder jedenfalls unrealistisch erschien, das Verfassungsrecht isoliert zu betrachten. Daher konzentrierte sich mein Interesse immer mehr auf das Konzept eines europäischen Rechtsraums, was jedoch gleichzeitig zu der Einsicht führte, dass mein Projekt nur durch ein Team, welches mir nicht zur Verfügung stand, zu bewerkstelligen war.

Doch wie die meisten negativ anmutenden Erlebnisse hatte auch dieses seine positiven Seiten: die Gespräche mit Armin von Bogdandy über Komplexität von Begriff und Inhalt eines europäischen Verfassungsrechts führten zu dem Angebot, für den Band VII des Handbuchs Jus Publicum Europaeum einen Beitrag über die Verfassungsgerichtsbarkeit in den post-jugoslawischen Ländern zu schreiben, und zwar in der Perspektive des europäischen Rechtsraums. Es handelte sich also zunächst darum, meine Erfahrungen am bosnischen Gericht für die Erforschung der Rechtsordnungen und insbesondere der Verfassungsgerichtsbarkeit in den anderen postjugoslawischen Ländern (Slowenien, Kroatien, Serbien, Nordmazedonien, Montenegro und Kosovo) fruchtbar zu machen. Dabei war es interessant, sowohl die Vielfältigkeit der Unterschiede als auch das gemeinsame geschichtliche Erbe zu verdeutlichen. Sodann verfolgte die Studie das Ziel, anhand einer Umschreibung des europäischen Rechtsraums die mehr oder weniger große Annäherung der postjugoslawischen Rechtskulturen zu diesem europäischen Rechtsraum zu erfassen. Dabei ist mir oft der Kontrast zwischen recht progressiven Texten und deren mangelnder Durchsetzung aufgefallen.

Hat diese Arbeit auch viel Zeit und Mühe gekostet, nicht zuletzt, weil meine Deutschsprachigkeit etwas „eingerostet“ war, so habe ich doch viel dabei gelernt und auch viel Freude, vor allem in dem Austausch mit Christoph Krenn und der so konstruktiven und animierten Revision mit Karin Oellers‑Frahm gehabt. Schließlich war es auch dieser Artikel, der Armin von Bogdandy veranlasste, mich einer Abgeordneten im europäischen Parlament zu empfehlen, die sich wegen eines verfassungsrechtlichen Gutachtens über den Kosovo an ihn gewendet hatte. Dies fiel genau in die Zeit der Corona-Pandemie und den Lockdown in Frankreich, so dass ich äußerst dankbar war, an etwas anderes denken zu müssen.

Bei meinem Abschied aus Heidelberg hat mich Armin von Bogdandy gefragt, wie mir der Aufenthalt in Deutschland gefallen habe und was mir dabei besonders aufgefallen sei. In meiner Antwort betonte ich ganz besonders die Qualität der öffentlichen Debatten in Rundfunk und Fernsehen geschätzt zu haben, insbesondere die Fähigkeit, auf die Argumente anderer einzugehen. Dies fehlt meiner Ansicht nach in Frankreich, wo die meisten „Debatten“ in gekreuzte Monologe ausarten. Der Minuspunkt – das überrascht natürlich nicht von einem Frankreichbewohner – war das Einkaufen und Essen, was ich im Ganzen als monoton empfand.

Nach diesem längeren Forschungsaufenthalt im Institut kam ich zurück nach Straßburg und wurde dort pensioniert, während meine richterliche Tätigkeit noch bis Ende 2016 dauerte. Danach folgte dann die englische Version des Handbuchs, wobei mir die Hilfe von Laura Hering und Naomi Shulman sehr kostbar war. Schließlich bleibt der Kontakt mit dem Institut aufrecht erhalten durch die Alumni-Treffen, die mich jedes Mal mit ihren Vorträgen und den vielfältigen Gesprächen erfreuen.

Suggested Citation:

Constance Grewe, Als „deutsche Ausländerin“ am MPIL. Constance Grewe über ein ungewöhnliches Jahr in Heidelberg (2010-2011), MPIL100.de, DOI: 10.17176/20240404-213408-0

Lizenz: CC BY-NC-SA 4.0 DEED

 

Français

Contrairement à bien des invités, je ne suis pas venue à l’Institut Max-Planck de Heidelberg en tant que jeune chercheuse mais à la fin de ma carrière universitaire en France (Chambéry, Caen, Strasbourg). En 2007, j’avais obtenu le prix Humboldt-Gay Lussac auquel est associé un séjour de recherche en Allemagne. Cela me convenait d’autant plus que certaines bibliothèques allemandes étaient particulièrement bien fournies pour mes recherches de droit constitutionnel comparé. Ainsi, ayant passé d’abord un mois à Bielefeld, j’ai sollicité ensuite auprès de l’Université de Strasbourg où j’occupais un poste de professeur de droit public une délégation de recherche. Une telle délégation permet d’effectuer sa recherche pendant un certain temps dans une autre institution tout en étant libéré des charges d’enseignement. J’avais motivé ma demande par le fait que je n’avais pas encore accompli l’intégralité de mon séjour de recherche en Allemagne et que l’endroit le plus propice pour mes recherches était sans doute l’Institut Max-Planck de droit public et international comparé (MPIL) à Heidelberg. Un contrat conclu entre l’Université de Strasbourg et l’Institut Max-Planck en 2010 est venu concrétiser cette délégation. C’est ainsi que je suis arrivée en septembre 2010 à Heidelberg où j’ai séjourné jusqu’à la fin de l’année 2011.

Le retour de France en Allemagne : les premiers pas dans le pays d’origine

Le hall d’entrée vers 2010 (photo : MPIL)

Ce fut une situation un peu bizarre, car je venais en tant qu’étrangère. Alors que j’avais passé toute mon enfance jusqu’au début de mes études juridiques en Allemagne et que mes parents étaient allemands, j’ai parcouru toute ma carrière professionnelle en France et obtenu la nationalité française. Et soudain, je revins pour un certain temps dans mon pays d’origine. Cette constellation particulière explique peut-être que le système « Buddy », introduit depuis peu à l’Institut afin de faciliter leurs premières démarches aux invités étrangers, ne fonctionnait pas bien pour moi. J’étais donc obligée de résoudre toute seule les divers problèmes d’ordre matériel, comme ouvrir un compte ce qui supposait pourtant de recevoir un salaire en Allemagne et de trouver un logement ce qui apparaissait impossible sans un compte en Allemagne. Heureusement j’ai connu d’autres étrangers vivant à Heidelberg qui m’ont aidé à trouver des solutions. Mais cela aussi a mis en lumière la curiosité de cette situation d’étrangère dans son pays d’origine.

A l’Institut, on m’a gâtée d’un beau bureau avec vue sur la montagne, situé directement à côté de celui de M. Frowein que j’ai ainsi eu le plaisir de rencontrer de temps en temps. L’utilisation de la bibliothèque était un vrai bonheur : non seulement les prêts fonctionnaient de manière très efficace mais j’ai surtout apprécié le contact aimable et même cordial avec Sandra Berg et Ali Zakouri. D’ailleurs, les relations avec l’ensemble du personnel de l’Institut étaient très agréables. J’assistais aux réunions du lundi avec intérêt et curiosité tant en ce qui concernait les thèmes abordés que les personnes qui exposaient. J’ai ainsi pu mener des discussions intenses avec des invités de nombreux pays et avec des collaborateurs de l’Institut lesquelles se prolongeaient parfois au thé du mercredi ou au restaurant « Olive » situé à proximité de l’Institut. A cette époque, l’Institut ne comptait que peu d’invités français et d’ailleurs je recherchais le contact surtout avec des personnes issues de ou spécialisées dans l’étude des pays d’Europe centrale ou orientale puisque mon objectif était de développer et d’approfondir mes connaissances du droit constitutionnel d’Europe centrale, orientale et du sud-est. Cet intérêt s’expliquait notamment par ma fonction juridictionnelle à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine dans laquelle, en vertu des accords de Dayton, siègent jusqu’à aujourd’hui trois juges internationaux.

J’ai eu l’occasion d’observer de plus près la vie intérieure de l’Institut grâce à mon appartenance au Conseil scientifique (Fachbeirat) auquel j’avais été nommée dès 2003. Image vivante de la diversité et de l’intensité des recherches, les rapports des différentes équipes de recherche et des titulaires de bourses me paraissaient particulièrement stimulants. Dans le domaine de l’évaluation de la recherche, j’avais déjà une certaine expérience, ayant participé auparavant à l’évaluation de plusieurs universités françaises et d’une université autrichienne et l’ayant subie moi-même lorsque je dirigeais une équipe de recherche à Strasbourg. Appliqué à l’Institut, ce processus m’apparaissait néanmoins comme particulièrement complexe en raison du nombre et de la diversité des acteurs et des actions. Il n’est donc pas surprenant que l’évaluation ait suscité dans chaque cas des discussions intensives et des délibérations approfondies au sein du conseil.

L’infaisabilité du projet de recherche et sa transformation

La rotonde au premier étage vers 2010 (photo : MPIL)

Le séjour à Heidelberg fut évidemment important également pour ma propre recherche. Ma fonction de juge international à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine m’a d’abord permis d’entamer un dialogue avec Michael Riegner qui avait séjourné au Kosovo et qui avait pu, à cette occasion, établir un contact avec la Cour constitutionnelle de ce pays. Il en est résulté un projet commun, à savoir une comparaison des deux pays sous l’aspect de l’internationalisation des constitutions dans des sociétés divisées. L’une des questions essentielles était de savoir si et dans quelle mesure les dérogations au constitutionnalisme classique national impliquées par l’internationalisation s’opposaient à la démocratisation. Notre présence à l’Institut nous a offert la chance de pouvoir publier cet article au Max-Planck Yearbook of United Nations Law.

Par ailleurs, Anne Peters m’a demandé de présenter un exposé lors du cercle « Droit constitutionnel européen » se réunissant avant le colloque des publicistes allemands (Staatsrechtslehrertagung) de 2011. Il s’agissait de l’adhésion de l’UE à la CEDH et plus précisément de savoir dans quelle mesure cette adhésion pouvait s’analyser en une mise en œuvre effective d’une constitution pan-européenne des droits fondamentaux. Dans l’optique de la préparation de cet exposé, Armin von Bogdandy eut la gentillesse de me proposer d’en débattre au sein de son séminaire de recherche. La contribution a été publiée dans la revue Europarecht.

Cependant, il s’avérait de plus en plus clairement que je ne pourrai réaliser mon véritable projet de recherche, c’est-à-dire une nouvelle édition du livre sur le droit constitutionnel comparé en Europe. Depuis sa première édition en 1995, dix Etats, principalement d’Europe centrale et orientale, ont été admis dans l’UE, ce qui augmentait sensiblement le nombre d’ordres juridiques à comparer. En outre, du fait des modifications des traités et de l’accroissement considérable de la jurisprudence européenne, les rapports juridiques entre l’Union et ses Etats membres ont évolué au point qu’il paraissait impossible ou du moins irréaliste d’envisager le droit constitutionnel de manière isolée. C’est pourquoi mon intérêt s’est porté de plus en plus vers le concept d’un espace juridique européen. En même temps, je prenais conscience que mon projet ne pouvait être mis en œuvre que par une équipe de chercheurs dont je ne disposais pas.

Toutefois, comme la plupart des expériences apparemment négatives, celle-ci avait elle aussi ses côtés positifs : les conversations avec Armin von Bogdandy sur la complexité de la notion et le contenu d’un droit constitutionnel européen ont débouché sur la proposition de contribuer au volume VII du traité Jus Publicum Europaeum. Il s’agissait de traiter de la justice constitutionnelle dans les Etats post-yougoslaves dans la perspective d’un espace constitutionnel européen. Je devais donc d’abord, sur la base de mes expériences à la Cour bosnienne, appréhender les ordres juridiques – et la justice constitutionnelle en particulier – dans les autres pays post-yougoslaves (Slovénie, Croatie, Serbie, Macédoine du Nord, Monténégro et Kosovo). Il importait notamment de faire ressortir à la fois le nombre de différences et l’héritage historique commun. L’étude poursuivait ensuite l’objectif de caractériser davantage l’espace constitutionnel européen et d’évaluer le rapprochement plus ou moins important des cultures juridiques post-yougoslaves à cet espace. Ce qui m’a souvent frappé, à cet égard, était le contraste entre des textes assez progressifs et leur insuffisante mise en œuvre.

Si cette étude m’a demandé beaucoup de temps et d’efforts, ne serait-ce que parce que ma maîtrise de la langue allemande était un peu « rouillée », elle m’a néanmoins beaucoup appris. Ce sont cependant surtout les échanges avec Christoph Krenn ainsi que la révision si constructive et animée du texte avec Karin Oellers‑Frahm qui m’ont procuré un grand plaisir. C’est aussi cet article qui a conduit Armin von Bogdandy à me recommander auprès d’une députée du Parlement européen qui s’était adressée à lui pour un avis de droit constitutionnel sur le Kosovo. Cette demande tombait exactement au moment de la pandémie du Covid 19 et le confinement en France, si bien que j’ai été très reconnaissante de devoir penser à autre chose.

A mon départ de Heidelberg, Armin von Bogdandy m’a demandé ce que j’avais pensé de mon séjour et ce qui m’avait le plus frappée. Dans ma réponse, j’ai insisté sur la qualité du débat public à la radio et la télévision, en particulier sur l’effort généralement consenti pour comprendre et pour répondre aux arguments d’autrui. A mon avis, cela manque assez largement en France où les « débats » dérivent souvent en des monologues croisés. Le point négatif – cela ne surprendra pas d’un résident français – étaient les courses et la cuisine que j’ai ressenties comme essentiellement monotones.

Après ce séjour prolongé à l’Institut, j’ai pris ma retraite à Strasbourg. Mon activité juridictionnelle en revanche a duré jusqu’à la fin de l’année 2016. Lorsqu’il s’est agi par la suite de la version anglaise du traité, l’aide de Laura Hering et de Naomi Shulman m’a été très précieuse. Le contact avec l’Institut reste enfin maintenu par les rencontres des alumni qui me réjouissent chaque fois avec leurs conférences et les multiples conversations.

Suggested Citation:

Constance Grewe, « Allemande étrangère » à l’Institut Max-Planck. Récit d’une année hors du commun à Heidelberg (2010-2011) de Constance Grewe, MPIL100.de, DOI: 10.17176/20240404-213309-0

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